mardi 29 janvier 2013

Textes pour Figone

Carla
Versailles.
Carla était hésitante. Moulée (à la louche) dans sa robe fourreau grenadine, elle chantonnait de sa voix rauque, tentant de calmer les palpitations de son cœur. La chape de plomb qui étreignait son estomac ne la quittait pas. Elle avait du mal à respirer. Elle n’osait s’avancer dans la galerie des glaces, peur de découvrir l’image de son nouveau corps. Oui, ces derniers jours au bord de la mer d’Odessa en compagnie de monsieur Gamma l’avaient transformée, transportée, transfigurée.
Brunie par le soleil, elle n’était plus la même.
Carla était hésitante, à l’entrée de cette galerie des glaces, une appréhension primale de ne pas se reconnaitre face à ses multiples reflets.

Airticia
En l’an 408 de l’ère Idja, Comis l’Arpenteur découvrit un fragment de stèle en granit rosette enfoui dans les grands regs roux de la plaine des Sans-saveurs : la légendaire pierre de Sôôô Shïïï Zon, dernier témoignage de la Geslte de Airticia la blonde amazone.
 ( - Mais il n’est pas question une seule seconde que je la prenne pour première femme ! Non mais tu m’as bien regardé ? Et tu l’as vue ta sœur ? Avec un physique pareil, façon poissonneuse nest-Ralleumende, galbée comme une poire piquée aux anabox, je préfère la guerre ! Et elle fait quoi là ? Elle prend la pose pour un concours de pec’ ?)
Le Dit du Prince Airtis XXVIII lorsque son cousin Riding le blond lui soumit ses conditions de pax gnomana.
L’excellent lettré Chantrognion l’Altruiste avoue tout de même que la traduction de ce texte reste encore soumise à des avis très… contradictoires, pour le moins.

Centaure
Bruits et fureur.
Le choc assourdissant des armes de métal, le râle des mourants, le hurlement des guerriers, le chant des dieux…
Ses gestes sont amples, déliés, rapide. Ses pupilles dilatées, sans ciller, virevoltent, anticipent les feintes et les tailles.
Acre est la douleur, dure est la terre sous les corps.
Sa hache siffle, rougeoie aux flammes, rougit de sang.
Il danse sans sourire.
Il est carnage.

Guruk le beige
« - Mon nom est Guruk le beige… grrruuuuuupfffffhhh »
Long moment de silence, entrecoupé des seuls bruits de gorge de sa respiration, signes de son extrême tension émotionnelle.
« - Pssssssuuuuiii… Allallane le chevelu, la chair de ma chair, a rendu aux dieux son dernier souffle… grrroumphhh… ma tribu n’est plus… »
De nouveau, une lente expiration rauque, le souffle des arbres bruit, les feuilles l’effleurent d’une caresse apaisante.
« - Je suis le dernier des Hirsutes. »

Yarriguette
Il ne faut pas s’y fier, sous ses airs de coquette, Yarriguette est fille de la Nuit, elle porte ciseaux à la ceinture. Elle est Parques, la quatrième sœur oubliée, la benjamine des divines fileuses.
Elle est celle qui emmêle l’écheveau; la vie des hommes s’en trouve pleine de surprises.
Mais Yarriguette ne veut pas éternellement faire des double-nœuds à la trame des destinées, ou tenir la chandelle à des héros dans le Tartare égarés. Yarriguette rêve d’une idylle olympienne, épicée, pleine de saveurs.
Alors, elle a délaissé ses vieux oripeaux, s’est vêtue de jolies dentelles ; elle a quitté l’ancestral palais d’airain, elle est partie sur les chemins, à la recherche d’un Yarricot sans fil.

Pince de crabe
La nature est bien faite : le lézard possède une queue fragile qui, sectionnée par un bec carnassier, repousse toute seule jusqu’à retrouver sa forme pleine et entière.
La nature est surprenante : l’homme, au cours de manipulations hasardeuses, peut voir son sexe proprement cisaillé. Conservée dans de la glace, des doigts habiles ont le talent de reformer un tout indissociable : l’homme et sa virilité.
La nature est taquine : le succube, suite à des opérations retorses, est amputé de sa pince de crabe. Celle-ci renait de ses cendres dans l’antre du poulpe ! Et vous, oui vous qui me lisez, vous devenez le démiurge de la greffe démoniaque.

Violon
Je pourrais évoquer Stradivarius, ou Ingres, mais je vais vous parler de Grégoire.
La rue déserte se faufilait silencieuse entre les hautes rangées des immeubles anciens, dressés là comme une haie d’honneur. Les lampadaires à gaz diffusaient une lumière chaude, qui peinait à percer le brouillard givrant. Une vieille guirlande de Noël, accrochée entre deux éclairages se faisant face à face, clignotait inlassablement au-dessus des pavés humides.
Grégoire ne sentait plus le froid humide et pénétrant qui transperçait les différentes couches de tissus qui le couvraient. Allongé sur un bout de carton usé, dans un renfoncement de porte, les genoux remontés jusqu’au menton, il grelottait sans discontinuer depuis qu’il avait vidé les dernières gouttes de rouge au fond de la bouteille ; le vin avait maintenu un semblant de chaleur dans son corps transi.
Alphonse, gardien de la paix de son état, comme chaque soir, finissait sa ronde par la ruelle des pas perdus. Il sentit la présence de Grégoire avant de le voir ; du bout de son bâton blanc, il poussa légèrement la masse informe, qui grogna à peine. Il l’aida à se relever :
« - Allez, monsieur Grégoire, je vous embarque pour  ivresse sur la voie publique. Ce soir, vous passerez la nuit au chaud au violon ».

Roi Maulg
Forgé sur les champs de carnage, enrichi des terres conquises par le fer, abreuvé des flots de sang, ce titre fut léger sur les épaules de son père, et sur celles de ses aïeux avant lui : Seigneur de la guerre. Ses ancêtres portèrent avec fierté et arrogance la couronne glorieuse et la hache téméraire.
Aux yeux de Maulg le Placide, ces symboles sont un lourd fardeau, un héritage haï et suffocant. Ce cruel passé chanté par les bardes depuis ses jeunes années est une litanie abhorrée : Saigneur de la guerre !
Aujourd’hui, le voilà roi.
Aujourd’hui, il est le premier de la lignée des Seigneurs de la paix.

Tankha Wanka
Tankha Wanka est le plus grand défouisseur de fongeux rêve-debouts, ces champignons hallucinogènes dont sont friands les chamans tels que lui.
Il n’est ainsi pas rare d’apercevoir sa houppette envolée le long des petits marais gluants. Les plus savoureux rêve-debouts à la fragrance épicée poussent sous les bouses mousseuses des crache-feux dont les terriers creusent un réseau de galeries à fleur de boue.
Par ailleurs, les poétesses callipyges vantent son extravagante élégance vestimentaire : petite capeline en fourrure de pawam négligemment jetée sur les épaules, un seyant pagne « léger déshabillé » en feuilles mêlées de lotus d’eau saumâtre et de renoncules réticulées vert de vessie. La gente féminine suscitée avait tout autant remarqué la mise en valeur du galbe arrondi de ses fesses que le dodu de ses roubignolles.

Lion
La veille encore, la terre brûlée par le soleil se fissurait de sécheresse. Le sol craquelé se réduisait en poussière sous le pas fatigué des troupeaux. L’herbe était de paille.
Mais ce matin, la nature s’est éveillée aux joyeux trilles des oiseaux nichés dans les acacias.
L’herbe sèche ondule sous la caresse du vent, les grondements du tonnerre poursuivent de leurs échos les zébrures lumineuses qui strient le noir de l’horizon.
Le ciel se pare d’indigo et de cramoisi, s’assombrit, douce et colorée menace, promesse de renaissance.
La savane bruit, s’agite, nerveuse, frémissante et impatiente.
Le jeune lion hume la brise mouillée qui joue dans sa crinière.
Les premières gouttes lourdes et charnues, pleines de vie, s’écrasent au sol dans un chuintement pulvérulent.
Il pleut.

Katzara  (jamais publié)
Malgré les apparences, Katzara le Langoureux n’est pas une mauvaise langue.
« J’ai goûté à nombre de terres, ma langue s’est teintée des ocres de la Grande Rousse, des siennes de la Lira Lactée, ma langue a sillonné le cobalt de la Nébuleuse Bleue… »
Katzara est parmi les plus illustres stello-carto routards de l’Amas Frémissant.
Porté par les souffles onduleux des grandes naines et des rouges borgnes, son sac à dé rivé sur le dos, il est le premier à avoir posé la lingua sur tant de mondes.

Quì’Lì Quìn
Pénétrant au sein du dédale frissonnant et sombre, Quì’Lì Quìn la Veilleuse se laissait guider par ses sens. Dans la fiole qu’elle protégeait au creux de sa paume, Kas’bn était éteint, endormi. Kas’bn, fragile flamme bleue qu’il fallait nourrir de lumière et de chaleur. Cette étincelle de magie vive, une fois cristallisée pour l’hiver, ne s’éveillait qu’à proximité des fumerolles du dragon.
Au-dehors, les pluies de glace sonnaient le glas de la froide saison blanche. Il était temps de conclure l’hibernation de Kas’bn.
Quì’Lì Quìn entendit l’écho des soupirs du dragon, se perdit, se cogna aux angles aigus des roches noires et grenues qui dessinaient le labyrinthe. Elle raffermit sa prise sur la poignée de son épée, dont la pointe traçait un léger sillon dans le sable rouge, un éphémère fil d’Ariane qu’effacerait le souffle chaud du dragon.
Elle huma les fragrances épicées qu’exhalait la bête, elle goûta aux saveurs épaisses de l’air tiédi qui s’enroulait autour d’elle comme autant de volutes invocatrices.
S’approcher du dragon. Par l’esprit le frôler d’une apaisante caresse. Exposer Kas’bn, qu’il s’ébroue de sa glaciale torpeur.

C’était sa première fois, sa première rencontre avec l’Eveilleur.

Académique garçon
Académique 1
- C’est une sculpture de Rodin ?
- Non, c’est un académique de Bnoa.
Académique 2
La guerre des boutons fait rage. Elle s’est étendue aux élastiques et aux fermetures éclair. Les ceintures et bretelles se sont faites la malle. Le scratch ne se mouille pas et clame haut et fort sa neutralité.

Académique fille
Académique 1
Courbes parfaites et pleines, chair élastique et peau satinée. Son corps voluptueux est un poème sensoriel. Mais quel foutu caractère !
Académique 2
«- Un rien m’habille !
Mais il n’empêche, que vais-je mettre ce matin ?
»

Guerrière Lefago
Tout en armure de plate, la fière guerrière n’en est pas moins gironde.
Que le fringant chevalier ne s’effraie point de la grosse hache ! Que le vaillant gaillard sache la séduire sans rudesse ! Que le frileux guerrier du soleret foule le foin accueillant ! A ceux-là, rare, surprenante, telle le plus précieux des élixirs sorti de derrière les fagots, la belle dévoile son bon centimètre millimètre de gras.
Le rude hiver à venir n’a qu’à bien se tenir, la nue demoiselle possède le charme charnu. Le souffle glacé de la saison blanche à peine effleurera la couenne accueillante.

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