mardi 1 juillet 2014

Textes pour Figone: Rocco, Carmina, Helmutt, Caappiti, Tahar Amha


Rocco
Du haut de l’escarpement, la sentinelle reptilienne somnolait sous le soleil pâle.
Rocco le grand varan captait les pensées clairsemées de son cavalier. De même que Rocco était le dernier dragon vivant, Rollo était le dernier dragonnier de ce monde. Rocco ne se plaignait pas. Il résumait son cavalier d’une phrase: un esprit simple dans un corps sain. Aisé à influencer, à conduire. Une éponge naturelle, que Rocco pouvait emplir et presser à loisir.
Rocco soupira, jeta un œil paresseux sur la vallée à ses pattes, les pics enneigés au loin. Il sentait Rollo raide comme un piquet sur la selle, vigilant ; nouveau soupir accompagné d’un petit sourire qui dévoila sa langue bifide.

Tout bien pesé, Rocco s’estimait bien monté. Il eût pu plus mal tomber.


Carmina
Beuren Hill.
Elle planta son étendard en terre. La voile sombre claquait au vent derrière elle, couvrant les cris de la meute qui se précipitait à sa rencontre.
Les Gehuilpiek couraient, tête nue et crête hurlante, sur la pente glissante. Et les premiers assaillants furent à portée de lame.

L’armure l’étouffait. A la chaleur suffocante s’ajoutait la rance odeur de la transpiration. Les gouttes de sueur dégoulinaient sur son visage, le sel brûlait ses yeux, irritait sa peau.
Feinte, coup d’estoc, parade, taille… un pas de côté, nécessité de souffler, la bouche ouverte, la gorge râpée par les morceaux d’air qu’elle tentait d’aspirer.
Nouvelle douleur sur le flanc, elle lança sa main armée du poignard vers l’arrière, trancha dans la chair.
Elle avait mal, le sang perlait sous les plaques d’armure.
Elle lâcha la dague, son épée pesait, elle avait besoin de ses deux mains pour la soulever.

Elle était lourde.
Elle s’enfonçait dans la boue.
Elle peinait, ahanant de fatigue.

Elle se sentit débordée de toute part.
La douleur reflua.
Elle était encore debout, déjà morte.

« Mon nom est Carmina ».
La vague hurlante la submergea, les lances la transpercèrent, la soulevèrent de terre.  


Toxic Helmutt
Plaies profondes, sanguinolentes.
Douleur qui lacère. Et ce bras, cette extension mécanique qui le démange jusqu’à perdre la raison.
Les vapeurs corrosives l’enveloppèrent, l’enserrèrent, le retinrent.
Il grogna, agita des membres, sa chair brûlée grondait.
Traverser le nuage.
Ces petites gouttelettes d’acide en suspension dans l’air lourd d’humidité et de parfum d’oxydation protégeaient l’ouverture de son antre, nichée dans les profondeurs de la centrale désaffectée. Mais chaque traversée de ce voile brumeux et protecteur était un calvaire.
Une douloureuse renaissance.  


Caappiti
Quotidiennement au matin levant, Caappiti répétait le même lent cérémonial. Se mirant en sa glace, sûr de son troublant et disgracieux physique, il léchait d’un coup de langue expert la liqueur hallucinogène qu’exhalaient les pustules parsemant le corps de la grenouille qu’il tenait en main, tout en serinant invariablement la même question. Question qui, au demeurant, était plus une affirmation qu’une véritable interrogation, tant la réponse ne faisait aucun doute dans son esprit.
« - Miroir, oh mon grand miroir, qui donc est le plus laid en la cité ?
- Krapotine…
- Oui, je suis… euh… rrrrhhhhuuuuu ???… Qui ? Quel nom as-tu éructé ? »
Caappiti braillait, hurlait de rage.
« - C’est moi, Caappiti, le plus moche de la cité ! Capito, psyché de pacotille ? »
Il balança le batracien hallucinatoire à la tronche du miroir qui vola en éclats ; les morceaux acérés déchirèrent ses chairs, lacérèrent son visage.
Un fragment du miroir murmura alors dans le silence revenu :
« - Te voilà de nouveau le plus affreux, Caappiti la Taillade ».  


Tahar Amha
Elle jongle telle une majorette avec ses poignards, joue de sa lance et de sa hache avec aisance, se rie des piques de ses homologues mâles.
Le froid ne la blesse pas, une chaleur intense irradie de son cœur enflammé. Les flocons de neige, au contact de sa peau rosée, s’évaporent en volutes vaporeuses.
Sous le vent, elle rayonne, les regards se tournent sur son passage, suivent le rythme souple et élancé de son pas… puis, le vent tournant, les nez se froncent, les narines se pincent…
Tahar Amaha est belle, vive et intelligente… mais elle sent le poisson.  

2 commentaires:

  1. "Tout bien pesé, Rocco s’estimait bien monté" J'adore c'est énorme !!!!!
    (Toute référence dans mon commentaire à la taille de son engin ne peux qu'être volontaire)

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  2. :o)
    Merci ami MIR :o) :o) :o) :o) :o)
    Celui-là, je ne pouvais pas le manquer.
    Sur le site Figone, lis la traduction anglaise... elle perd tout son sel :oD

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